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SANS FAMILLE

l’avions imaginé, et les gardes du commerce, c’est-à-dire les gens qui arrêtent les débiteurs, arrivèrent avant elle.

Le père allait justement s’en aller chez un de ses amis, lorsqu’en sortant dans la rue, il les trouva devant lui ; je l’accompagnais, en une seconde nous fûmes entourés. Mais le père ne voulait pas se sauver, il pâlit comme s’il allait se trouver mal et demanda aux gardes d’une voix faible à embrasser ses enfants.

— Il ne faut pas vous désoler, mon brave, dit l’un d’eux, la prison pour dettes n’est pas si terrible que ça et on y trouve de bons garçons.

Nous rentrâmes à la maison, entourés des gardes du commerce.

J’allai chercher les garçons dans le jardin.

Quand nous revînmes, le père tenait dans ses bras Lise, qui pleurait à chaudes larmes.

Alors un des gardes lui parla à l’oreille, mais je n’entendis pas ce qu’il lui dit.

— Oui, répondit le père, vous avez raison, il le faut.

Et se levant brusquement, il posa Lise à terre, mais elle se cramponna à lui, et ne voulut pas lâcher sa main.

Alors il embrassa Étiennette, Alexis et Benjamin.

Je me tenais dans un coin, les yeux obscurcis par les larmes, il m’appela :

— Et toi, Rémi, ne viens-tu pas m’embrasser, n’es-tu pas mon enfant ?

Nous étions éperdus.

— Restez là, dit le père d’un ton de commandement, je vous l’ordonne.