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SANS FAMILLE

Le café, le café de l’auberge Notre-Dame ! qu’est-ce que cela pouvait bien être ?

Combien de fois m’étais-je posé cette question !

J’avais vu des gens sortir du café la figure enluminée et les jambes flageolantes ; en passant devant sa porte, j’avais souvent entendu des cris et des chansons qui faisaient trembler les vitres.

Que faisait-on là dedans ? Que se passait-il derrière ses rideaux rouges ?

J’allais donc le savoir.

Tandis que Barberin se plaçait à une table avec le maître du café qui l’avait engagé à entrer, j’allai m’asseoir près de la cheminée et regardai autour de moi.

Dans le coin opposé à celui que j’occupais, se trouvait un grand vieillard à barbe blanche, qui portait un costume bizarre et tel que je n’en avais jamais vu.

Sur ses cheveux qui tombaient en longues mèches sur ses épaules, était posé un haut chapeau de feutre gris orné de plumes vertes et rouges. Une peau de mouton, dont la laine était en dedans, le serrait à la taille. Cette peau n’avait pas de manches, et, par deux trous ouverts aux épaules, sortaient les bras vêtus d’une étoffe de velours qui autrefois avait dû être bleue. De grandes guêtres en laine lui montaient jusqu’aux genoux, et elles étaient serrées par des rubans rouges qui s’entre-croisaient plusieurs fois autour des jambes.

Il se tenait allongé sur sa chaise, le menton appuyé dans sa main droite ; son coude reposait sur son genou ployé.