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SANS FAMILLE

ma charge, il faut bien que quelqu’un paye pour lui ; c’est juste, il me semble.

— Je ne dis pas non, mais croyez-vous que tout ce qui est juste se fait ?

— Pour ça non.

— Eh bien, je crois bien que vous n’obtiendrez jamais la pension que vous demandez.

— Alors, il ira à l’hospice ; il n’y a pas de loi qui le force à rester quand même dans ma maison si je n’en veux pas.

— Vous avez consenti autrefois à le recevoir, c’était prendre l’engagement de le garder.

— Eh bien, je ne le garderai pas ; et quand je devrais le mettre dans la rue, je m’en débarrasserai.

— Il y aurait peut-être un moyen de vous en débarrasser tout de suite, dit le vieillard après un moment de réflexion, et même de gagner à cela quelque chose.

— Si vous me donnez ce moyen-là, je vous paye une bouteille, et de bon cœur encore.

— Commandez la bouteille, et votre affaire est faite.

— Sûrement ?

— Sûrement.

Le vieillard quittant sa chaise, vint s’asseoir vis-à-vis de Barberin. Chose étrange, au moment où il se leva, sa peau de mouton fut soulevée par un mouvement que je ne m’expliquai pas : c’était à croire qu’il avait un chien dans le bras gauche.

Qu’allait-il dire ? Qu’allait-il se passer ?

Je l’avais suivi des yeux avec une émotion cruelle.