Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
SANS FAMILLE

des pierres sont lancées à une grande hauteur ; les maisons tremblent comme si elles étaient secouées par un tremblement de terre. Ce phénomène s’explique pour l’ingénieur : les gaz et l’air refoulés par les eaux se sont comprimés dans les remontées sans issues, et là où la charge de terre est trop faible, au-dessus des affleurements, ils font éclater l’écorce de la terre comme les parois d’une chaudière. La mine est pleine : la catastrophe est consommée.

Cependant la nouvelle s’est répandue dans Varses ; de tous côtés la foule arrive à la Truyère, des travailleurs, des curieux, les femmes, les enfants des ouvriers engloutis. Ceux-ci interrogent, cherchent, demandent. Et comme on ne peut rien leur répondre, la colère se mêle à la douleur. On cache la vérité. C’est la faute de l’ingénieur. À mort l’ingénieur, à mort ! Et l’on se prépare à envahir les bureaux où l’ingénieur penché sur le plan, sourd aux clameurs, cherche dans quels endroits les ouvriers ont pu se réfugier et par où il faut commencer le sauvetage.

Heureusement les ingénieurs des mines voisines sont accourus à la tête de leurs ouvriers, et avec eux les ouvriers de la ville. On peut contenir la foule, on lui parle. Mais que peut-on lui dire ? Cent vingt hommes manquent. Où sont-ils ?

— Mon père ?

— Où est mon mari ?

— Rendez-moi mon fils ?

Les voix sont brisées, les questions sont étranglées par les sanglots. Que répondre à ces enfants, à ces femmes, à ces mères ?