Aller au contenu

Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
SANS FAMILLE

Depuis le matin, j’étais triste et accablé ; cette parole me releva.

— Dame Catherine n’a pas voulu me prendre avec elle.

— Cela n’était pas possible, mon pauvre garçon, on ne fait pas ce qu’on veut en ce monde ; je suis sûr que tu aurais bien travaillé pour gagner ta vie ; mais Suriot, mon beau-frère, n’aurait pas pu te donner du travail ; il est éclusier au canal du Nivernais, et les éclusiers, tu le sais, n’embauchent pas des ouvriers jardiniers. Les enfants m’ont dit que tu voulais reprendre ton métier de chanteur. Tu as donc oublié que tu as failli mourir de froid et de faim à notre porte ?

— Non, je ne l’ai pas oublié.

— Et alors tu n’étais pas tout seul, tu avais un maître pour te guider ; c’est bien grave, mon garçon, ce que tu veux entreprendre, à ton âge, seul, par les grands chemins.

— J’ai Capi.

Comme toujours, en entendant son nom, Capi répondit par un aboiement qui voulait dire : « Présent ! si vous avez besoin de moi, me voici. »

— Oui ! Capi est un bon chien ; mais ce n’est qu’un chien. Comment gagneras-tu ta vie ?

— En chantant et en faisant jouer la comédie à Capi.

— Capi ne peut pas jouer la comédie tout seul.

— Je lui apprendrai des tours d’adresse ; n’est-ce pas, Capi, que tu apprendras tout ce que je voudrai ?

Il mit sa patte sur sa poitrine.