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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/146

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SANS FAMILLE

différents, qui croyaient me payer avec un dîner ou un verre de bière.

D’ailleurs j’aimais mieux écouter que raconter, et j’écoutais Alexis, j’écoutais Mattia qui me disaient ce qui s’était passé sur terre pendant que nous étions sous terre.

— Quand je pensais que c’était pour moi que tu étais mort, disait Alexis, ça me cassait bras et jambes, car je te croyais bien mort.

— Moi, je n’ai jamais cru que tu étais mort, disait Mattia, je ne savais pas si tu sortirais vivant de la mine et si l’on arriverait à temps pour te sauver, mais je croyais que tu ne t’étais pas laissé noyer, de sorte que si les travaux de sauvetage marchaient assez vite on te trouverait quelque part. Alors, tandis qu’Alexis se désolait et te pleurait, moi je me donnais la fièvre en me disant : « Il n’était pas mort, mais il va peut-être mourir. » Et j’interrogeais tout le monde : « Combien peut-on vivre de temps sans manger ? Quand aura-t-on épuisé l’eau ? Quand la galerie sera-t-elle percée ? » Mais personne ne me répondait comme je voulais. Quand on vous a demandé vos noms et que l’ingénieur après Carrory, a crié Rémi, je me suis laissé aller sur la terre en pleurant, et alors on m’a un peu marché sur le corps, mais je ne l’ai pas senti tant j’étais heureux.

Je fus très-fier de voir que Mattia avait une telle confiance en moi qu’il ne voulait pas croire que je pouvais mourir.