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SANS FAMILLE

lui-même avec l’insouciance de ceux qui sont habitués à braver chaque jour le danger, mais moi qui n’avais pas son insouciance ou son courage, je n’étais nullement disposé à reprendre le métier de rouleur. C’était très-beau une mine, très-curieux, j’étais heureux d’en avoir vu une, mais je l’avais assez vue, et je ne me sentais pas la moindre envie de retourner dans une remontée.

À cette pensée seule, j’étouffais. Je n’étais décidément pas fait pour le travail sous terre ; la vie en plein air, avec le ciel sur la tête, même un ciel neigeux, me convenait mieux. Ce fut ce que j’expliquai à l’oncle Gaspard et au magister, qui furent, celui-ci surpris, celui-là peiné de mes mauvaises dispositions à l’égard du travail des mines ; Carrory, que je rencontrai, me dit que j’étais un capon.

Avec l’ingénieur, je ne pouvais pas répondre que je ne voulais plus travailler sous terre, puisqu’il m’offrait de m’employer dans ses bureaux et de m’instruire si je voulais être attentif à ses leçons ; j’aimai mieux lui raconter la vérité entière, ce que je fis.

— Et puis, tu aimes la vie en plein air, dit-il, l’aventure et la liberté ; je n’ai pas le droit de te contrarier, mon garçon, suis ton chemin.

Cela était vrai que j’aimais la vie en plein air, je ne l’avais jamais mieux senti que pendant mon emprisonnement dans la remontée ; ce n’est pas impunément qu’on s’habitue à aller où l’on veut, à faire ce que l’on veut, à être son maître.

Pendant qu’on essayait de me retenir à Varses, Mattia avait paru sombre et préoccupé ; je l’avais