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SANS FAMILLE

petits plats à barbe en cuivre, ce qui n’a jamais été l’enseigne d’un maître de musique.

Comme nous restions à regarder cette devanture qui avait tout l’air d’être celle d’un barbier, une personne vint à passer, et nous l’arrêtâmes pour lui demander où demeurait M. Espinassous.

— Là, dit-elle, en nous indiquant la boutique du barbier.

Après tout, pourquoi un professeur de musique n’aurait-il pas demeuré chez un barbier ?

Nous entrâmes : la boutique était divisée en deux parties égales ; dans celle de droite, sur des planches, se trouvaient des brosses, des peignes, des pots de pommade, des savons ; dans celle de gauche, sur un établi et contre le mur étaient posés ou accrochés des instruments de musique, des violons, des cornets à piston, des trompettes à coulisse.

— Monsieur Espinassous ? demanda Mattia.

Un petit homme vif et frétillant comme un oiseau, qui était en train de raser un paysan assis dans un fauteuil, répondit d’une voix de basse-taille :

— C’est moi.

Je lançai un coup d’œil à Mattia pour lui dire que le barbier-musicien n’était pas l’homme qu’il nous fallait pour nous donner notre leçon, et que ce serait jeter notre argent par la fenêtre que de s’adresser à lui ; mais au lieu de me comprendre et de m’obéir, Mattia alla s’asseoir sur une chaise, et d’un air délibéré :

— Est-ce que vous voudrez bien me couper les cheveux quand vous aurez rasé monsieur ? dit-il.