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SANS FAMILLE


VIII


LA VACHE DU PRINCE


J’aimais bien Mattia quand nous arrivâmes à Mende ; mais quand nous sortîmes de cette ville, je l’aimais encore plus. Est-il rien de meilleur, rien de plus doux pour l’amitié que de sentir avec certitude que l’on est aimé de ceux qu’on aime ?

Et quelle plus grande preuve Mattia pouvait-il me donner de son affection que de refuser, comme il l’avait fait, la proposition d’Espinassous, c’est-à-dire la tranquillité, la sécurité, le bien-être, l’instruction dans le présent et la fortune dans l’avenir, pour partager mon existence aventureuse et précaire, sans avenir et peut-être même sans lendemain.

Je n’avais pas pu lui dire devant Espinassous l’émotion que son cri : « Quitter mon ami ! » avait provoquée en moi ; mais quand nous fûmes sortis, je lui pris la main et, la lui serrant :

— Tu sais, lui dis-je, que c’est entre nous à la vie et à la mort ?