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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/173

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SANS FAMILLE

Notre concert recommença dans le jardin qui n’était pas bien grand, mais très-coquet avec un berceau couvert de plantes grimpantes.

Comme le vétérinaire était marié et qu’il avait plusieurs enfants, nous eûmes bientôt un public autour de nous ; on alluma des chandelles sous le berceau et nous jouâmes jusqu’après dix heures ; quand un morceau était fini, on nous applaudissait, et on nous en demandait un autre.

Si le vétérinaire ne nous avait pas mis à la porte, je crois bien, que sur la demande des enfants, nous aurions joué une bonne partie de la nuit.

— Laissez-les aller au lit, dit-il, il faut qu’ils soient ici demain matin à sept heures.

Mais il ne nous laissa pas aller sans nous offrir une collation qui nous fut très-agréable ; alors, pour remerciements, Capi joua quelques-uns de ses tours les plus drôles, ce qui fit la joie des enfants ; il était près de minuit quand nous partîmes.

La ville d’Ussel si tranquille le soir était le lendemain matin pleine de tapage et de mouvement ; avant le lever du jour nous avions entendu dans notre chambre un bruit incessant de charrettes roulant sur le pavé et se mêlant aux hennissements des chevaux, aux meuglements des vaches, aux bêlements des moutons, aux cris des paysans qui arrivaient pour la foire.

Quand nous descendîmes, la cour de notre auberge était déjà encombrée de charrettes enchevêtrées les unes dans les autres, et des voitures qui arrivaient descendaient des paysans endimanchés qui prenaient leurs femmes dans leurs bras pour les mettre à terre ;