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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/177

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SANS FAMILLE

nous tombâmes d’accord sur vingt sous d’épingles. Il nous restait donc trois francs.

De nouveau j’avançai la main, le paysan me la prit et me la serra fortement en ami.

Justement parce que j’étais un ami, je n’oublierais pas le vin de la fille.

Le vin de la fille nous coûta dix sous.

Pour la troisième fois je voulus prendre la longe, mais mon ami le paysan m’arrêta :

— Vous avez apporté un licou ? me dit-il, je vends la vache, je ne vends pas son licou.

Cependant comme nous étions amis il voulait bien me céder ce licou pour trente sous, ce n’était pas cher.

Il nous fallait un licou pour conduire notre vache, j’abandonnai les trente sous, calculant qu’il nous en resterait encore vingt.

Je comptai donc les deux cent treize francs et pour la quatrième fois j’étendis la main.

— Où donc est votre longe ? demanda le paysan, je vous ai vendu le licou, je vous ai pas vendu la longe.

La longe nous coûta vingt sous, nos vingt derniers sous.

Et lorsqu’ils furent payés la vache nous fut enfin livrée avec son licou et sa longe.

Nous avions une vache, mais nous n’avions plus un sou, pas un seul pour la nourrir et nous nourrir nous-mêmes.

— Nous allons travailler, dit Mattia, les cafés sont pleins de monde, en nous divisant nous pouvons jouer dans tous, nous aurons une bonne recette ce soir.

Et après avoir conduit notre vache dans l’écurie de