Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
242
SANS FAMILLE

oncle comme Garofoli ; si tu avais perdu ta sœur Cristina, danserais-tu ?

— Oh ! ne dis pas cela.

— Tu vois bien.

Par les quais nous gagnâmes le passage d’Austerlitz, et comme mes yeux n’étaient plus aveuglés par l’émotion, je pus voir combien est belle la Seine, le soir, lorsqu’elle est éclairée par la pleine lune qui met çà et là des paillettes d’argent sur ses eaux éblouissantes comme un immense miroir mouvant.

Si l’hôtel du Cantal était une maison honnête, ce n’était pas une belle maison, et quand nous nous trouvâmes avec une petite chandelle fumeuse, dans un cabinet sous les toits, et si étroit que l’un de nous était obligé de s’asseoir sur le lit quand l’autre voulait se tenir debout, je ne pus m’empêcher de penser que ce n’était pas dans une chambre de ce genre que j’avais espéré coucher. Et les draps en coton jaunâtre, combien peu ils ressemblaient aux beaux langes dont mère Barberin m’avait tant parlé.

La miche de pain graissée de fromage d’Italie que nous eûmes pour notre souper, ne ressembla pas non plus au beau festin que je m’étais imaginé pouvoir offrir à Mattia.

Mais enfin, tout n’était pas perdu ; il n’y avait qu’à attendre.

Et ce fut avec cette pensée que je m’endormis.