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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/327

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SANS FAMILLE

comme il en avait eu l’intention, et que j’étais libre d’aller me promener si j’en avais envie.

Je n’en avais aucune envie ; mais que faire dans cette triste maison ? Autant se promener que de rester à s’ennuyer.

Comme il pleuvait, j’entrai dans notre voiture pour y prendre ma peau de mouton : quelle fut ma surprise de trouver là Mattia ; j’allais lui adresser la parole ; il mit sa main sur ma bouche, puis à voix basse :

— Va ouvrir la porte de la remise, je sortirai doucement derrière toi, il ne faut pas qu’on sache que j’étais dans la voiture.

Ce fut seulement quand nous fûmes dans la rue que Mattia se décida à parler :

— Sais-tu quel est le monsieur qui était avec ton père tout à l’heure ? me dit-il. M. James Milligan, l’oncle de ton ami Arthur.

Comme je restais immobile au milieu de la rue, il me prit par le bras, et tout en marchant il continua :

— Comme je m’ennuyais à me promener tout seul dans ces tristes rues, par ce triste dimanche, je suis rentré pour dormir et je me suis couché sur mon lit, mais je n’ai pas dormi ; ton père, accompagné d’un gentleman, est entré dans la remise et j’ai entendu leur conversation sans l’écouter : « Solide comme un roc, a dit le gentleman, dix autres seraient morts, il en est quitte pour une fluxion de poitrine ! » — Alors croyant qu’il s’agissait de toi, j’ai écouté, mais la conversation a changé tout de suite de