Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
323
SANS FAMILLE

— Parce qu’elle a été très-bonne pour toi.

Puis il ajouta encore :

— Et aussi parce qu’elle te ferait peut-être retrouver tes parents.

— Mattia !

— Tu ne veux pas que je dise cela : je t’assure que ce n’est pas ma faute, mais il m’est impossible d’admettre une seule minute que tu es de la famille Driscoll ; regarde tous les membres de cette famille et regarde-toi un peu ; ce n’est pas seulement des cheveux filasse que je parle ; est-ce que tu as le mouvement de main du grand-père et son sourire ? as-tu eu jamais l’idée de regarder les étoffes à la lumière de la lampe comme master Driscoll ? est-ce qu’il t’est jamais arrivé de te coucher les bras étendus sur une table ? et comme Allen ou Ned, as-tu jamais appris à Capi l’art de rapporter des bas de laine qui ne sont pas perdus ? Non, mille fois non ; on est de sa famille ; et si tu avais été un Driscoll, tu n’aurais pas hésité à t’offrir des bas de laine quand tu en avais besoin et que ta poche était vide, ce qui s’est produit plus d’une fois pour toi : qu’est-ce que tu t’es offert quand Vitalis était en prison ? crois-tu qu’un Driscoll se serait couché sans souper ? Est-ce que si je n’étais pas le fils de mon père je jouerais du cornet à piston, de la clarinette, du trombone ou de n’importe quel instrument, sans jamais avoir appris : mon père était musicien, je le suis. C’est tout naturel : toi, il semble tout naturel que tu sois un gentleman, et tu en seras un quand nous aurons retrouvé madame Milligan.

— Et comment cela ?