Aller au contenu

Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
SANS FAMILLE

 Les corrections sont expliquées en page de discussion

commençâmes à jouer des quadrilles, des polkas, des valses, surtout des quadrilles.

Nous jouâmes ainsi jusqu’à la nuit sans que les danseurs nous laissassent respirer : cela n’était pas bien grave pour moi, mais cela l’était beaucoup plus pour Mattia, chargé de la partie pénible, et fatigué d’ailleurs par son voyage et les privations. Je le voyais de temps en temps pâlir comme s’il allait se trouver mal, cependant il jouait toujours, soufflant tant qu’il pouvait dans son embouchure.

Heureusement je ne fus pas seul à m’apercevoir de sa pâleur, la mariée la remarqua aussi.

— Assez, dit-elle, le petit n’en peut plus ; maintenant la main à la bourse pour les musiciens.

— Si vous vouliez, dis-je en sautant à bas de la voiture, je ferais faire la quête par notre caissier.

Et je jetai mon chapeau à Capi qui le prit dans sa gueule.

On applaudit beaucoup la grâce avec laquelle il savait saluer lorsqu’on lui avait donné, mais ce qui valait mieux pour nous, on lui donna beaucoup ; comme je le suivais, je voyais les pièces blanches tomber dans le chapeau ; le marié mit la dernière et ce fut une pièce de cinq francs.

Quelle fortune ! Ce ne fut pas tout. On nous invita à manger à la cuisine, et on nous donna à coucher dans une grange. Le lendemain quand nous quittâmes cette maison hospitalière, nous avions un capital de vingt-huit francs.

— C’est à toi que nous les devons, mon petit Mattia,