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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/362

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SANS FAMILLE

Je fis donc mon récit en français, et j’expliquai comment il était de toute impossibilité que je fusse dans l’église à une heure, puisqu’à cette heure j’étais au champ de course et qu’à deux heures et demie j’étais à l’auberge du Gros-Chêne.

— Et où étiez-vous à une heure un quart ? demanda le juge.

— En chemin.

— C’est ce qu’il faut prouver. Vous dites que vous étiez sur la route de l’auberge du Gros-Chêne, et l’accusation soutient que vous étiez dans l’église. Parti du champ de course à une heure moins quelques minutes, vous seriez venu rejoindre votre complice sous les murs de l’église, où il vous attendait avec une échelle, et ce serait après votre vol manqué que vous auriez été à l’auberge du Gros-Chêne.

Je m’efforçai de démontrer que cela ne se pouvait pas, mais je vis que le juge n’était pas convaincu.

— Et comment expliquez-vous la présence de votre chien dans l’église ? me demanda le juge.

— Je ne l’explique pas, je ne la comprends même pas ; mon chien n’était pas avec moi, je l’avais attaché le matin sous une de nos voitures.

Il ne me convenait pas d’en dire davantage, car je ne voulais pas donner des armes contre mon père ; je regardai Mattia, il me fit signe de continuer, mais je ne continuai point.

On appela un témoin et on lui fit prêter serment sur l’Évangile, de dire la vérité sans haine et sans passion.

C’était un gros bonhomme, court, à l’air prodigieu-