Aller au contenu

Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
372
SANS FAMILLE

bruit suspect ; nous voyagions au milieu de l’ombre et du silence de la nuit.

Ce n’était plus pour nous cacher que nous nous tenions sous la bâche, c’était pour nous défendre du froid, car depuis assez longtemps soufflait une bise froide ; quand nous passions la langue sur nos lèvres nous trouvions un goût de sel ; nous approchions de la mer. Bientôt nous aperçûmes une lueur qui à intervalles réguliers disparaissait, pour reparaître avec éclat, c’était un phare ; nous arrivions.

Bob arrêta son cheval et le mettant au pas il le conduisit doucement dans un chemin de traverse ; puis descendant de voiture il nous dit de rester là et de tenir le cheval ; pour lui, il allait voir si son frère n’était pas parti et si nous pouvions sans danger nous embarquer à bord du navire de celui-ci.

J’avoue que le temps pendant lequel Bob resta absent me parut long, très-long : nous ne parlions pas, et nous entendions la mer briser sur la grève à une assez courte distance avec un bruit monotone qui redoublait notre émotion ; Mattia tremblait comme je tremblais moi-même.

— C’est le froid, me dit-il à voix basse.

Était-ce bien vrai ? Le certain, c’est que quand une vache ou un mouton qui se trouvaient dans les prairies que traversait notre chemin choquaient une pierre ou heurtaient une clôture, nous étions plus sensibles au froid ou au tremblement.

Enfin, nous entendîmes un bruit de pas dans le chemin qu’avait suivi Bob. Sans doute, c’était lui qui revenait ; c’était mon sort qui allait se décider.