Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/101

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terne et une couverture, était venu se placer près de la dame et de l’enfant.

Vitalis s’était approché et avait salué froidement.

– Pardonnez-moi de vous avoir dérangé, dit la dame, mais j’ai voulu vous féliciter.

Vitalis s’inclina sans répliquer un seul mot.

– Je suis musicienne, continua la dame, c’est vous dire combien je suis sensible à un grand talent comme le vôtre.

Un grand talent chez mon maître, chez Vitalis, le chanteur des rues, le montreur de bêtes ; je restai stupéfait.

– Il n’y a pas de talent chez un vieux bonhomme tel que moi, dit Vitalis.

– Ne croyez pas que je sois poussée par une curiosité indiscrète, dit la dame.

– Mais je serais tout prêt à satisfaire cette curiosité ; vous avez été surprise, n’est-ce pas, d’entendre chanter à peu près un montreur de chiens ?

– Émerveillée.

– C’est bien simple cependant ; je n’ai pas toujours été ce que je suis en ce moment, autrefois, dans ma jeunesse, il y a longtemps, j’ai été… oui, j’ai été le domestique d’un grand chanteur, et par imitation, comme un perroquet, je me suis mis à répéter quelques airs que mon maître étudiait devant moi ; voilà tout.

La dame ne répondit pas, elle regarda assez longuement Vitalis, qui se tenait devant elle dans une attitude embarrassée.