Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/119

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Heureusement, cela n’était pas difficile pour moi et dans notre vie sur les grands chemins, dans nos soirées à l’auberge, nous nous trouvions en relations avec des conducteurs et des marchands de bestiaux ; il était donc bien simple de leur demander le prix des vaches.

Mais la première fois que j’adressai ma question à un bouvier, dont l’air brave homme m’avait tout d’abord attiré, on me répondit en me riant au nez.

Le bouvier se renversa ensuite sur sa chaise en donnant de temps en temps de formidables coups de poing sur la table ; puis il appela l’aubergiste.

– Savez-vous ce que me demande ce petit musicien ? Combien coûte une vache, pas trop grande, pas trop grosse, enfin une bonne vache. Faut-il qu’elle soit savante ?

Les rires recommencèrent ; mais je ne me laissai pas démonter.

– Il faut qu’elle donne du bon lait et qu’elle ne mange pas trop.

– Faut-il qu’elle se laisse conduire à la corde sur les grands chemins, comme votre chien ?

Après avoir épuisé toutes ses plaisanteries, déployé suffisamment son esprit, il voulut bien me répondre sérieusement et même entrer en discussion avec moi.

– Il avait justement mon affaire, une vache douce, donnant beaucoup de lait, un lait qui était une crème, et ne mangeant presque pas ; si je voulais lui allonger quinze pistoles sur la table, autrement dit cinquante écus, la vache était à moi.

Autant j’avais eu de mal à le faire parler tout