Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/138

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belle danse que le concierge effrayé, – pour ses oignons probablement, – vint voir si nous ne nous révoltions pas.

Il nous engagea à nous taire, mais il ne nous adressa pas la parole brutalement comme lorsqu’il était entré avec le juge de paix.

Par là nous comprîmes que notre position n’était pas mauvaise, et bientôt nous eûmes la preuve que nous ne nous étions pas trompés, car il ne tarda pas à rentrer, nous apportant une grande terrine toute pleine de lait, avec la terrine, il nous donna un gros pain blanc et un morceau de veau froid qui, nous dit-il, nous était envoyé par M. le juge de paix.

Jamais prisonniers n’avaient été si bien traités ; alors en mangeant le veau et en buvant le lait je revins de mes idées sur les prisons ; décidément elles valaient mieux que je ne me l’étais imaginé.

Ce fut aussi le sentiment de Mattia :

– Dîner et coucher sans payer, dit-il en riant, en voilà une chance !

Je voulus lui faire une peur.

– Et si le vétérinaire était mort tout à coup, lui dis-je, qui témoignerait pour nous ?

– On n’a de ces idées-là que quand on est malheureux, dit-il sans se fâcher, et ce n’est vraiment pas le moment.