Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/146

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à subir l’autorité de l’affreux Barberin, s’il le fallait, je quitterais la France, je m’en irais en Italie avec Mattia, en Amérique, au bout du monde.

Raisonnant ainsi, je me promis d’être circonspect avec mère Barberin, non pas que j’imaginasse avoir à me défier d’elle, la chère femme, je savais combien elle m’aimait, combien elle m’était dévouée ; mais elle tremblait devant son mari, je l’avais bien vu ; et, sans le vouloir, si je causais trop, elle pouvait répéter ce que j’avais dit, et fournir ainsi à Barberin le moyen de me rejoindre, c’est-à-dire de me reprendre. Cela ne serait pas au moins par ma faute, je me tiendrais sur mes gardes.

Quand Mattia fut sorti, j’interrogeai mère Barberin.

– Maintenant que nous sommes seuls, me diras-tu en quoi le voyage de Barberin à Paris est intéressant pour moi ?

– Bien sûr, mon enfant, et avec plaisir encore.

Avec plaisir ! je fus stupéfait.

Avant de continuer, mère Barberin regarda du côté de la porte.

Rassurée, elle revint vers moi et à mi-voix, avec le sourire sur le visage :

– Il paraît que ta famille te cherche.

– Ma famille !

– Oui, ta famille, mon Rémi.

– J’ai une famille, moi ? J’ai une famille, mère Barberin, moi l’enfant abandonné !

– Il faut croire que ce n’a pas été volontairement qu’on t’a abandonné, puisque maintenant on te cherche.