Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/182

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veloutées. À chaque pas, dans ces routes et ces chemins, s’ouvrait une grille en fer ou une barrière en bois, et alors on apercevait des allées de jardin bien sablées, serpentant autour de pelouses plantées çà et là de massifs d’arbustes et de fleurs ; puis, cachée dans la verdure, s’élevait une maison luxueuse ou une élégante maisonnette enguirlandée de plantes grimpantes ; et presque toutes, maisons comme maisonnettes, avaient, à travers les massifs d’arbres ou d’arbustes, des points de vue habilement ménagés sur le lac éblouissant et son cadre de sombres montagnes.

Ces jardins faisaient souvent notre désespoir, car, nous tenant à distance des maisons, ils nous empêchaient d’être entendus de ceux qui se trouvaient dans ces maisons, si nous ne jouions pas et si nous ne chantions pas de toutes nos forces, ce qui, à la longue, et répété du matin au soir, devenait fatigant.

Une après-midi, nous donnions ainsi un concert en pleine rue, n’ayant devant nous qu’une grille pour laquelle nous chantions, et derrière nous qu’un mur dont nous ne prenions pas souci ; j’avais chanté à tue-tête la première strophe de ma chanson napolitaine et j’allais commencer la seconde, quand tout à coup nous l’entendîmes chanter derrière nous, au delà de ce mur, mais faiblement et avec une voix étrange :

Vorria arreventare no piccinotto,
Cona lancella aghi vennenno acqua.

Quelle pouvait être cette voix ?