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Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/66

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était curieux de voir comment le vieil Italien se tirerait d’affaire et roulerait son ennemi. Bien que Vitalis n’eût pas prononcé d’autres mots que : "À demain, signor," il avait été compris par tout le monde que ce rendez-vous donné et accepté était l’annonce d’une grande représentation dans laquelle on trouverait des occasions de rire et de s’amuser aux dépens de la police.

Aussi en me voyant seul avec Joli-Cœur, plus d’un spectateur inquiet m’interrompait-il pour me demander si "l’Italien" ne viendrait pas.

– Il va arriver bientôt.

Et je continuai ma canzonetta.

Ce ne fut pas mon maître qui arriva, ce fut l’agent de police. Joli-Cœur l’aperçut le premier, et aussitôt, se campant la main sur la hanche et rejetant sa tête en arrière, il se mit à se promener autour de moi en long et en large, raide, cambré, avec une prestance ridicule.

Le public partit d’un éclat de rire et applaudit à plusieurs reprises.

L’agent fut déconcerté et il me lança des yeux furieux.

Bien entendu, cela redoubla l’hilarité du public.

J’avais moi-même envie de rire, mais d’un autre côté je n’étais guère rassuré. Comment tout cela allait-il finir ? Quand Vitalis était là, c’était bien, il répondait à l’agent. Mais j’étais seul, et, je l’avoue, je ne savais comment je répondrais si l’agent m’interpellait.