Page:Malte-Brun - la France illustrée tome I.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
AISNE

à l’apostolat. Dès le milieu du IVe siècle, une église était fondée sous l’invocation de la Vierge, et Laon voyait un de ses premiers prêtres, Vivent, distingué à Rome par sa piété et sa science, dans un voyage qu’il y fit, n’étant que simple clerc, et désigné pour le siège de Reims par le pape saint Sirice. C’était le temps où les invasions des barbares disputaient l’Occident aux armes affaiblies de Rome ; Laon, après deux sièges vaillamment soutenus contre les Vandales en 407, et contre Attila en 451, ouvrit ses portes à Clovis, cédant moins à la terreur inspirée par le roi des Francs qu’aux paroles de conciliation et de paix, et à l’influence sympathique de son compagnon et conseiller, saint Remi. Nous voyons en effet l’érection de Laon en évêché suivre de près, en 500, la soumission de la ville à son nouveau maître, et saint Remi doter de son propre bien l’évêché et son chapitre.

Dans le partage qui suivit la mort de Clovis, Laon fit partie du royaume de Soissons et passa, après Clotaire, dans celui d’Austrasie. Brunehaut vint y fixer son séjour après la mort tragique de Sigebert et y fonda l’abbaye de Saint-Vincent, dont l’église était appelée le second siège de l’évêque. Un demi-siècle plus tard, en 645, grâce aux libéralités de Salaberge, fille et veuve de puissants seigneurs d’Austrasie, s’élevait la célèbre abbaye de Saint-Jean, habitée par trois cents religieuses au nombre desquelles fut plus tard une des filles de Charlemagne, et qui compta trois reines parmi ses abbesses. L’importance que prenait la ville de Laon, l’opulence de ses couvents, en faisaient une proie toujours enviée et disputée trop souvent dans ces guerres de partage qui ensanglantèrent les règnes des princes de la dynastie mérovingienne et celui des premiers Carlovingiens. Avant la période féodale, Laon avait eu sept sièges à soutenir.

Avec l’affaiblissement du pouvoir monarchique, aux mains des descendants de Charlemagne, s’ouvre une phase nouvelle dans l’histoire de Laon. Pendant que chaque comte ou chaque baron arrache à la couronne quelques lambeaux de ses provinces, pendant qu’au centre de l’Ile-de-France, dans les murs de la capitale, grandit cette dynastie menaçante des comtes de Paris, il semble que la royauté, entourée d’ennemis déclarés ou secrets, cherche un asile qui la mette à l’abri de leurs coups, et ne trouve que la fidèle Picardie : Laon devient la résidence des rois. C’est là que s’éteint, dans les convulsions des guerres civiles et des dissensions de famille, au milieu du pays dévasté par les Normands, cette race naguère héritière de l’empire d’Occident, et, moins de deux siècles après la mort de son glorieux fondateur, à peine obéie dans l’enceinte même de la ville où elle avait cherché un refuge.

Hugues Capet, devenu roi en 987, assiégea et prit, en 991, la ville de Laon, restée fidèle aux Carlovingiens ; mais il ne songea pas à la punir de sa fidélité ; il ne lui retira même pas le titre de capitale, quoique sa résidence fût ailleurs mais, en réalité, cette désignation honorifique ne servit plus qu’à rehausser le prestige attaché à la dignité des évêques devenus les maîtres de la ville. En 1018, un concile y est tenu sous la présidence du pape Benoît VIII en personne ; quelques années auparavant, le roi Robert était venu s’y faire sacrer.

Nous touchons à la page la plus glorieuse des annales de Laon, au récit des luttes sanglantes qu’elle eut à soutenir pour se constituer en commune.

L’espèce de gouvernement municipal que les Romains avaient établi ou conservé dans les Gaules avait subsisté à Laon jusqu’à la fin du Xe siècle ; la présence des rois avait maintenu évêques, abbés et comtes dans un certain respect des usages consacrés par le temps. Lorsque la féodalité se sentit couronnée dans la personne de ses pairs, les anciens comtes de Paris, elle se crut en droit de briser les entraves qui gênaient sa tyrannie et sa cupidité. En 1106, Laon avait pour évêque et seigneur Gaudri, créature du roi d’Angleterre, protégé d’Enguerrand Ier, sire de Coucy, homme libertin, cupide et cruel. Sa barbarie, ses exactions soulevaient l’indignation de tous et excitaient les craintes de la noblesse et du clergé lui-même ; les classes privilégiées ne virent d’autre moyen pour tempérer les excès d’un pouvoir devenu redoutable pour elles que d’encourager la bourgeoisie à la revendication de ses anciens droits et privilèges. Il fallait que le mal fût devenu bien extrême et le régime bien intolérable pour qu’on recourût à un pareil remède. On profita d’une absence de Gaudri ; le prix de l’affranchissement fut débattu, fixé, et le marché conclu entre le clergé, la noblesse et la bourgeoisie. Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler en quoi consistait le servage à cette époque. Le serf était imposable à la discrétion de son seigneur ; il ne pouvait, sans son consentement, se marier à une personne libre, ni même à un sujet d’une sei-