Aller au contenu

Page:Malte-Brun - la France illustrée tome I.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19
AISNE

blit dans ses bâtiments ruinés une fabrique de bouteilles et de verres.

Aujourd’hui, les bâtiments ont été restaurés, les cours nettoyées, et l’antique et célèbre abbaye de Prémontré est devenue un asile d’aliénés pour les départements de l’Aisne et des Ardennes.



Notre-Dame-de-Liesse. — Notre-Dame-de-Liesse (N.-D.-de-Lætitiâ), bourg à 15 kilomètres au nord-est de Laon, doit son origine et sa célébrité à son église, fondée en 1134, et à la dévotion toute spéciale qui en a fait depuis cette époque un des pèlerinages les plus renommés de France. Voici la légende :

« En 1131, trois chevaliers de la maison d’Eppes, qui guerroyaient en Palestine, furent faits prisonniers par le soudan d’Égypte ; ce prince avait une fille nommée Ismérie qui, en cherchant à convertir les trois chevaliers à la foi musulmane et à la cause de son père, se laissa gagner elle-même au christianisme ; l’apparition miraculeuse d’une image de la Vierge acheva sa conversion et détermina sa fuite. Les croisés et la jeune néophyte traversèrent sans danger le Nil, la Méditerranée et toute la France, emportant dans leur voyage la miraculeuse image, dont le poids insurmontable arrêta tout à coup leurs pas, quand ils arrivèrent près du château de Marchais ; ils comprirent que ce lieu leur était assigné par le ciel comme le terme de leur course. La Vierge y fut déposée sur l’autel d’une église que leur piété fit construire en 1134. Le récit de la merveilleuse histoire, les prodiges qui ne manquèrent pas de venir la confirmer eurent bientôt rendu le lieu célèbre ; un village s’y forma, insuffisant pour l’hospitalité que d’innombrables pèlerins venaient y chercher, surtout en mai, juin et juillet ; l’église fut enrichie par les offrandes du peuple, les riches présents des seigneurs et les libéralités des rois, qui se placèrent eux-mêmes sous la protection de la Vierge de Liesse. Louis XI vint y jurer, en 1469, le traité que Charles le Téméraire l’avait contraint de signer à Péronne ; elle fut visitée en 1538 par François Ier et toute sa famille, lors de la trêve conclue avec Charles-Quint ; enfin Louis XIII et Anne d’Autriche y vinrent implorer l’assistance divine pour avoir un fils. Un tableau, dont le sujet est la Nativité, porte l’inscription suivante : Donné par Louis XIII, le 14 octobre 1618, lors de son second pèlerinage à Liesse. »

Une déclaration du 10 février 1638 mit le royaume de France sous la protection de la Vierge, et c’est en commémoration de ce vœu qu’avait lieu la procession solennelle du 15 août.

Un bienfaiteur plus modeste, le philanthrope J.-F. Hénault, après avoir pendant sa vie consacré ses soins et sa fortune au soulagement de ses concitoyens, a laissé à sa mort 120,000 francs aux pauvres de la commune de Liesse, son pays natal.



Marchais. — Marchais-sous-Liesse, à 20 kilomètres à l’est de Laon et à 3 kilomètres au sud-est de Liesse, peuplé de 605 habitants, possède un château d’une architecture remarquable, construit vers le milieu du XVIe siècle, par le surintendant des finances Nicolas de Longueval, comte de Bossut, et que fit restaurer le cardinal de Lorraine, archevêque de Reims, pour y recevoir Charles IX. On prétend que c’est là que fut conçue la première idée de la Ligue, en 1576 ; François Ier l’avait aussi visité plusieurs fois ; il renferme des meubles de la Renaissance, de belles collections et est entouré de vastes dépendances qui en font une habitation princière. Il ne faut pas confondre cette commune avec un autre Marchais situé dans le canton de Condé, et qui est célèbre dans l’histoire des événements de 1814, parce que les Français en chassèrent les Russes.



Chauny. — Chauny, dans laquelle on croit reconnaître la Contragium de l’Itinéraire d’Antonin, est un chef-lieu de canton situé près de la rive droite de l’Oise, à 35 kilomètres de Laon. Philippe, comte de Flandre, lui donna une charte communale en 1167, et lorsqu’elle devint française, Philippe-Auguste la lui confirma en 1213. Elle fut de bonne heure fortifiée, ce qui lui attira les malheurs qui résument son histoire ; elle fut en effet alternativement prise et reprise, pillée ou brûlée par les Anglais et les Français (1360), par les Bourguignons (1411), par les calvinistes et les ligueurs (1590-1591).

Aujourd’hui, elle doit à sa situation, au point de jonction du canal de Crozat et de l’Oise, qui commence à y être navigable, et sur le chemin de fer de Paris à Bruxelles, une certaine importance commerciale et possède un tribunal de commerce ; sa population est de 9,198 habitants ; elle possède une manufacture de glaces avec ateliers de polissage, des fabriques de lainages de tricots de toiles, des fonderies, des tanneries, une distillerie, une raffinerie de sucre.