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Page:Malte-Brun - la France illustrée tome I.djvu/74

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LXI
INTRODUCTION

rent les clubs des Jacobins et des Cordeliers. Dès lors, outrepassant le but que la sagesse des constituants lui avait assigné, provoquée d’ailleurs au dehors par les menaces de l’étranger, au dedans par la résistance de la cour, des royalistes et des prêtres, la révolution n’est plus qu’une lutte violente. Après la journée anarchique du 20 juin vient celle du 10 août, qui chasse le roi des Tuileries et livre le pouvoir à la Commune de Paris, dont l’Assemblée législative n’a plus désormais qu’à légaliser les actes. L’infortuné Louis XVI et sa famille sont enfermés dans la tour du Temple ; le brasseur Santerre devient le général de la garde nationale, et des milliers de citoyens sont jetés en prison.

Tout à coup le bruit se répand que les alliés ont passé le Rhin, que Longwy est en leur pouvoir, que Verdun est pris. La Commune déploie une extrême activité : tous les citoyens s’arment et s’apprêtent à défendre Paris ou à courir au-devant de l’ennemi. Alors commence le triste règne de la Terreur : les prisons sont forcées et les prisonniers massacrés sous les yeux de l’Assemblée législative impuissante.

Cependant à la déclaration de Pilnitz, signée du roi de Prusse et de l’empereur d’Autriche, cette même Assemblée avait répondu par cette fière menace : « Si des princes d’Allemagne continuent de favoriser des préparatifs dirigés contre les Français, les Français porteront chez eux, non pas le fer et la flamme, mais la liberté ! » (Avril 1792.) Puis à la menace joignant l’effet, elle déclare la guerre aux puissances et proclame la patrie en danger. D’abord la guerre ne nous fut point favorable ; mais à Valmy nos conscrits apprirent aux troupes prussiennes, si vaines de leur discipline et de leur tactique, combien elles avaient tort de les dédaigner. Ils supportèrent le feu sans broncher, et, s’élançant au cri de : Vive la nation ! culbutèrent à la baïonnette les soldats de Brunswick. Les Prussiens évacuent la Champagne. Custine s’empare de Mayence, Anselme de Nice et Montesquiou de la Savoie. C’est au milieu de ces succès de bon augure que l’Assemblée législative se sépara. (20 septembre 1792.)



RÉPUBLIQUE.

Ce fut le lendemain de cette victoire que s’ouvrit la Convention nationale (21 septembre 1792). Son premier acte fut d’abolir la royauté et de proclamer la République, le seul gouvernement qui fût conforme à l’état des choses et qui pût opposer aux puissances ennemies une résistance victorieuse. La rupture avec l’ancien régime ne parut même pas suffisante encore aux hommes les plus énergiques. Danton, qui avait naguère ordonné les journées de septembre pour terrifier l’aristocratie, voulut aussi imprimer l’effroi à la coalition des princes qui prétendaient relever la royauté en France, et la tête du malheureux Louis XVI tomba le 21 janvier 1793. C’est ainsi que ce faible et infortuné prince expia les scandales et les abus des règnes précédents !

Attaquée au dehors par une coalition formidable, agitée au dedans par les factions et par la révolte de la Vendée, trahie par quelques généraux, la Convention triompha de tous les périls en devenant terrible. Carnot jeta quatorze armées à la frontière. Douze cent mille hommes étaient sur pied. « La République, dit Barère au sein de la Convention, n’est plus qu’une grande ville assiégée ; il faut que la France ne soit plus qu’un vaste camp. Tous les âges sont appelés par la patrie à défendre la liberté. Les jeunes gens combattront, les hommes mariés forgeront les armes, les femmes feront les habits et les tentes des soldats, les enfants mettront le vieux linge en charpie et les vieillards se feront porter sur les places publiques pour enflammer tous les courages. » Les résultats furent admirables. Toutes nos frontières, entamées en août 1793, étaient délivrées en décembre ; Hoche avait purgé d’ennemis toute l’Alsace et hivernait dans le Palatinat. L’année suivante, l’Espagne, les Pays-Bas, la Hollande furent envahis. Nos soldats entrèrent dans Amsterdam tels que les peint le poète :

Pieds nus, sans pain, sourds aux lâches alarmes.

« Cette cité fameuse par ses richesses, dit le général Jomini, vit avec une juste admiration dix bataillons de ces braves sans souliers, sans bas, privés même des vêtements les plus indispensables et forcés de couvrir leur nudité avec des tresses de paille, entrer triomphants dans ses murs au son d’une musique guerrière, placer leurs armes en faisceaux et bivouaquer pendant plusieurs heures sur la place publique au milieu de la glace et de la neige, attendant avec résignation et sans un murmure qu’on pourvût à leurs besoins et à