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Page:Malte-Brun - la France illustrée tome I.djvu/81

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LXVIII
LA FRANCE ILLUSTRÉE

institutions nouvelles qu’elle consacrait. Il avait cependant des sentiments chevaleresques sa politique ne manquait pas d’une certaine dignité à l’extérieur, et la Grèce lui dut en grande partie son affranchissement. Nos marins se couvrirent de gloire à Navarin ; mais la Russie fut pleine de joie en voyant les puissances occidentales contribuer elles-mêmes à l’affaiblissement de la Turquie. Après avoir délivré la Grèce du joug du croissant, Charles X voulut purger les mers des pirates qui les infestaient, et il entreprit la conquête d’Alger, conquête vainement tentée par Louis XIV. Ce fut au milieu de la joie publique, excitée par la nouvelle de la prise de cette ville, qu’il rendit ces fameuses ordonnances contre la presse et contre la Chambre, et qui provoquèrent une révolution nouvelle. Pendant trois jours, le sang coula dans Paris hérissé de barricades. On se battait aux cris de Vive la charte ! Quand le roi voulut retirer ses ordonnances et renvoyer ses ministres, on lui répondit qu’il était trop tard. Déclaré déchu du trône par les Chambres, il reprit avec sa famille le chemin de l’exil, pendant que le duc d’Orléans était proclamé sous le nom de Louis-Philippe Ier (1830).



MONARCHIE DE JUILLET.

Avec la royauté de Juillet commença pour la France une ère nouvelle. Au lieu d’une charte octroyée, on eut une charte improvisée, sorte de compromis entre l’ancien et le nouveau régime. Ce gouvernement se sentit de son origine ; il n’eut ni les tendances contre-révolutionnaires de la branche ainée ni la solidité d’un pouvoir sanctionné par le suffrage universel. La Restauration s’était appuyée sur la noblesse et sur le clergé, il s’appuya sur la bourgeoisie ; mais, sans heurter de front les deux autres classes, il se tint dans un juste milieu, fit beaucoup pour les intérêts matériels et peu pour les intérêts moraux. De là l’opposition qui se forma dans la Chambre, et la guerre qu’il fit à la presse, dont la voix ne cessait de l’avertir que tous les bienfaits matériels d’un gouvernement ne suffisent point pour lui donner de fortes racines.

Cependant les vieux partis n’avaient point abdiqué : dès 1831, des manifestations légitimistes proyoquent le peuple, qui dans sa fureur aveugle saccage l’archevêché et l’église Saint-Germain-l’Auxerrois. Puis vinrent les insurrections républicaines de Lyon et de Paris, et les tentatives des prétendants eux-mêmes, légitimiste et bonapartiste, et qui n’aboutirent pour la duchesse de Berry qu’à la prison de Blaye, et pour le prince Louis-Napoléon qu’à sa captivité de Ham. Chassées de la place publique, les conspirations politiques se réfugièrent dans les sociétés secrètes. Alors, au lieu de ces révoltes courageuses où les chefs avaient payé de leurs personnes, on ne vit plus que d’obscurs sectaires recourant à l’arme des lâches, à l’assassinat. Pendant que les régicides s’acharnaient contre sa personne, Louis-Philippe donnait sur le trône l’exemple des vertus domestiques, et ses jeunes fils prenaient une part glorieuse à nos conquêtes africaines.

Averti, cependant, par une opposition sage et modérée qu’il n’avait pas toute la confiance du pays, le gouvernement de Juillet s’était éloigné peu à peu du caractère libéral de son origine. Il avait exploité les attentats. De celui de Fieschi, M. Thiers fit sortir les lois de septembre, lois oppressives et pour la presse et pour les citoyens. Après l’attentat de Meunier, M. Molé ajouta à cette compression, qui ne fit que s’accroître sous le ministère de M. Guizot ; abaissement au dehors, corruption au dedans, tels parurent être les signes de sa politique, et les événements ne le prouvèrent que trop. On sacrifiait toute dignité à l’entente cordiale avec l’Angleterre. Honteux du rôle que jouait la France dans la question d’Orient, M. Thiers, sentant se réveiller ses souvenirs libéraux, semblait pencher pour l’intervention : le roi, qui n’était pas d’humeur guerrière, s’empressa de le remplacer par M. Guizot, politique plus pacifique. Alors le système de la paix à tout prix porta ses fruits : le bombardement de Beyrouth, l’indemnité Pritchard, le droit de visite achevèrent de froisser le sentiment national. Vainement l’opposition s’éleva contre cette politique sans dignité : la majorité se déclara satisfaite. La corruption avait envahi le pouvoir : deux ex-ministres furent convaincus de péculat ; de grands scandales éclatèrent dans la haute société. À Lisieux, dans un banquet célèbre ; M. Guizot avait dit cette parole : « Enrichissez-vous ! » C’était ouvrir un champ libre à l’agiotage et aux spéculations les plus effrénées. Pour remédier à tant d’abus, la nation demanda la réforme électorale. À Paris, un banquet réformiste est organisé par l’opposition. L’autorité interdit le banquet. L’agitation règne dans Paris ; la garde nationale prend les armes au cri de Vive la réforme !