Aller au contenu

Page:Malte-Brun - la France illustrée tome I.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LXX
LA FRANCE ILLUSTRÉE

visoire abolit l’esclavage, et l’Assemblée nationale ratifia plus tard cette mesure si impérieusement réclamée par l’humanité.

Le gouvernement provisoire abdiqua le 4 mai 1848 entre les mains de l’Assemblée constituante. Après avoir acclamé la république, celle-ci confia le pouvoir exécutif à une commission de cinq membres. Ces cinq archontes étaient : Lamartine, François Arago, Marie, Ledru-Rollin et Garnier-Pagès. — Sortie du suffrage universel, animée de l’esprit de progrès et de réforme, la Constituante se mit à l’œuvre. Mais déjà la désaffection et l’anarchie menaçaient également l’avenir de la jeune république. Du sein des clubs et des ateliers nationaux partaient chaque jour des appels à la révolte. Après l’échauffourée du 15 mai, où l’Assemblée se vit envahie par des bandes factieuses, vinrent les journées des 23, 24, 25 et 26 juin 1848. Pendant ces quatre journées, les plus terribles et les plus sanglantes dont Paris ait jamais été témoin, la grande cité ne fut qu’un vaste champ de bataille où la garde nationale, la garde mobile et l’armée défendirent vaillamment l’ordre et la société contre l’anarchie. Cependant l’Assemblée s’était déclarée en permanence : elle avait retiré à la commission exécutive ses pouvoirs et confié la dictature au général Cavaignac. Après avoir rétabli l’ordre, ce général s’empressa de déposer entre les mains de l’Assemblée ses pouvoirs extraordinaires ; l’Assemblée reconnaissante déclara qu’il avait bien mérité de la patrie, et le chargea du pouvoir exécutif. Républicain sage et ferme, il s’appliqua à pacifier les esprits ; il fit un appel aux savants pour chercher les moyens de résoudre les questions sociales que la révolution de Février avait posées. Il sut en même temps résister à ceux qui regrettaient le passé, à qui les journées de mai et de juin avaient rendu quelques espérances, et aux anarchistes qui n’avaient pas renoncé à leur dessein de bouleverser la société. Vaincu dans l’élection présidentielle, il dut résigner ses pouvoirs, et il le fit avec une dignité vraiment antique, dont l’histoire lui tiendra compte (10 décembre 1848).



PRÉSIDENCE DE LOUIS-NAPOLÉON.

Cependant le suffrage universel avait appelé à la présidence de la république le prince Louis-Napoléon Bonaparte, déjà représentant du peuple, et le premier acte de l’élu du 10 décembre avait été de prêter serment à la constitution proclamée solennellement le 12 novembre. Mais, entre deux pouvoirs dont l’un finit et l’autre commence, l’harmonie n’est pas facile. Suivant l’ordre réglé par la constitution, ils n’avaient pas, il est vrai, les mêmes prérogatives, mais ils avaient la même origine, et l’Assemblée ne se dissimula point que du jour où le vœu populaire avait fait choix de l’héritier de Napoléon, il n’y avait pas loin de la république à l’empire. C’est au milieu de ces craintes pour les uns, de ces espérances pour les autres, qu’elle acheva sa mission. Héritière de ses fautes, non seulement la Législative ne sut pas les réparer, mais elle en commit elle-même de plus graves. Conseillée et dirigée par les chefs des anciens partis monarchiques, par conséquent hostile aux hommes de 1848 et à ceux qui désiraient le rétablissement de l’empire, elle se perdit par son indécision. Comme elle n’avait pas respecté la constitution, au jour du danger elle se trouva sans force pour la défendre. Après le coup d’État qui la déclara dissoute, elle essaya vainement de résister ; les 220 représentants réunis, le matin du 2 décembre, à la mairie du Xe arrondissement furent arrêtés. Déjà plusieurs autres et des plus influents avaient été conduits, pendant la nuit, à la prison de Mazas et de là au Mont-Valérien. Cependant les républicains parvinrent à organiser un plan de bataille sans pouvoir trouver assez de combattants, quoique plusieurs députés eussent fait un appel à la résistance, et que l’un d’eux, Baudin, fût tombé près d’une barricade. Soixante représentants de la Montagne furent expulsés du territoire français, et un certain nombre de représentants monarchiques éloignés momentanément. Dans les provinces, des troubles plus graves éclatèrent dans les départements de l’Allier, de la Nièvre, de la Côte-d’Or, de Saône-et-Loire, du Jura, du Gard, du Gers, de l’Yonne, de la Drôme, de Lot-et-Garonne, du Var, des Basses-Alpes. Ainsi que l’avait dit M. Thiers, le 10 décembre l’empire était déjà fait, et le 7 novembre 1852, après avoir reçu la sanction populaire de sept millions et demi de suffrages, Louis-Napoléon, en vertu d’un sénatus-consulte, quittait l’Élysée pour aller s’établir aux Tuileries sous le nom de Napoléon III.



NAPOLÉON III.

Un décret organique du 22 mars 1853 régla les rapports des grands corps de l’État entre eux et avec