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la brèche aux buffles.

Il me semble que voici le moment venu de présenter au lecteur le personnel de notre caravane, car nous constituons une véritable caravane. Mes trois compagnons de route appartiennent au corps qu’illustra Hippocrate et dont se divertit tant M. Poquelin de Molière. La médecine a la réputation d’être une profession éminemment sédentaire. D’ordinaire, un médecin qui se respecte s’installe chaque jour dans son cabinet, fait entrer l’un après l’autre les clientes qui encombrent son salon, leur tapote le dos, met son oreille sur leur estomac et se fait payer toutes ces privautés deux louis. C’est une profession facile, agréable et lucrative. Comment se fait-il que trois de ses adeptes en aient quitté momentanément l’exercice pour parcourir, en ma compagnie, la grande prairie du Dakota ? C’est ce que je voudrais expliquer en procédant des causes générales aux particulières, ainsi qu’il convient à tout esprit qui se pique de philosophie.

Selon moi, on a toujours, jusqu’à présent, enseigné la zoologie d’une manière tout à fait incomplète, parce qu’on persiste à se placer à un point de vue beaucoup trop matérialiste. Ainsi, comment distingue-t-on les animaux ? D’après la nature de leurs dents, la forme de leurs os et le nombre de leurs pattes. Cela suffit-il ? Évidemment non. Quand j’entreprends un voyage, je désire être renseigné non seulement sur l’apparence des animaux que je dois rencontrer, mais encore sur leur caractère, car il est très certain que les bêtes ont des caractères très différents. Ainsi, par exemple, observez une vache dans un herbage. Elle a l’air d’être parfaitement heureuse. Cependant elle ne fait que boire, manger et dormir. Si elle n’a pas besoin de distractions, c’est qu’elle en trouve dans son for intérieur.