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la brèche aux buffles.

ou littéraires, dont on ne comprend pas, à première vue, l’existence. Elles ne doivent leurs succès qu’à ce besoin secret de déplacement. Mais, de tous les prétextes employés par les gens sérieux pour cacher leurs débordements, les meilleurs leur sont encore fournis par les congrès. Les médecins surtout en ont usé et abusé. Jusqu’à ces derniers temps, lorsqu’un fils d’Esculape s’ennuyait par trop dans sa province, lorsqu’il voulait revoir les petits théâtres, entendre aux Ambassadeurs la nouvelle création de mademoiselle Faure, en un mot recommencer les fredaines de sa jeunesse, il annonçait à sa clientèle qu’il allait la quitter momentanément pour figurer dans un congrès médical à Paris. Seulement, dans ces dernières années, la clientèle s’étant mise elle-même à voyager, médecins et malades se rencontraient en toutes sortes d’endroits où les questions scientifiques ne se discutent guère. Il fallut aviser, car la majesté de la science menaçait d’être compromise. On est obligé maintenant de choisir pour les congrès médicaux des lieux de réunion de plus en plus éloignés. Les Yankees, nés malins, ont su exploiter cette situation ; ils ont, cette année, inondé l’Europe de prospectus annonçant que les médecins du monde entier étaient convoqués à Washington. Le programme des divertissements annoncés comportait d’abord l’étude de la cataracte du Niagara (les organisateurs auraient-ils voulu faire un calembour ?), puis quelques dîners assez rares, enfin l’honneur de donner une poignée de main au président Cleveland. Cela a suffi pour déterminer un peu plus de cinq mille (je dis : cinq mille) médecins à accourir de tous les points du globe. Pour sa part, notre paquebot en contenait vingt-cinq !