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Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/297

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la brèche aux buffles.

veillait un député-shérif armé jusqu’aux dents. J’ai visité l’année dernière la prison de Deadwood. Elle était construite sur ce modèle. Il n’y avait même pas de plancher. Au moment de ma visite, elle contenait quatorze assassins et un malheureux gamin de douze ans condamné à six mois de prison pour avoir volé un mouchoir dans une boutique. Tout ce monde vivait pêle-mêle, dans un état de saleté épouvantable, sans même avoir un lit de camp pour se coucher.

La plupart de ces braves gens étaient assurément bien peu intéressants. Le juge qui m’accompagnait m’en montra cependant un qui m’inspira une grande pitié. C’était un Indien, de la tribu des Gros-Ventres. Il portait le nom un peu compliqué de Tue son ennemi pendant la nuit (Kill his enemy at night). Il jouissait, paraît-il, d’une honnête aisance, ayant trois femmes et vingt-sept poneys, ce qui constitue, chez les Gros-Ventres, une médiocrité dorée. Il montait sur ses poneys quand il voulait aller à la chasse, battait ses femmes quand il se sentait les nerfs un peu agacés, se comportait d’ailleurs comme un parfait gentleman Gros-Ventre et était aussi heureux qu’on peut l’être dans ce bas monde, lorsqu’un beau jour, ayant sans doute bu plus de whiskey que de raison avec un ami, ils se prirent de querelle et il le tua.

Les anciens de la tribu se réunirent : on écouta les plaintes de la famille du défunt : on entendit la défense de l’accusé, et, tout bien considéré, il fut décidé que l’affaire pourrait s’arranger moyennant une indemnité de douze poneys. Tue son ennemi pendant la nuit s’exécuta galamment : il paya les douze poneys ; il en vendit même un treizième et en employa le prix à donner un immense festin auquel furent conviés les parents