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la brèche aux buffles.

docteur C… paraissant se défier un peu de ses talents en matière d’équitation, je lui propose de prendre nos fusils et d’aller, tout en chassant, faire une petite tournée dans le voisinage.

L’année dernière, à pareille époque, je ne sortais jamais sans que les chiens me fissent lever, à chaque pas, des vols de poules de prairie ; cette année, je ne sais pas ce qui est arrivé aux couvées, mais on ne voit pas une seule compagnie. Il n’est pas amusant d’arpenter des montagnes nues sous une température de trente degrés, sans rencontrer autre chose que des alouettes : il faut noter cependant que l’oiseau qu’on appelle alouette (lark) dans ce pays, — probablement parce qu’il a le même chant que son homonyme, — ne lui ressemble en rien. Il est aussi gros qu’une caille et est excellent à manger. Pour passer à un autre ordre d’excursions, j’emmène le docteur faire une visite à nos voisins les Rogers.

Les ranchmen, c’est-à-dire les grands propriétaires de bœufs ou de chevaux, sont généralement dans les plus mauvais termes avec les fermiers qui viennent s’établir dans leur voisinage, — ce qui se comprend facilement quand on réfléchit à la manière dont ils exercent leur industrie. Un ranchman n’est jamais propriétaire des terres qui constituent son parcours, — son range, — pour employer l’expression usitée. Tout au plus cherche-t-il à s’en assurer l’usage exclusif en achetant autant que possible une bande de terre autour de toutes les sources et cours d’eau du voisinage, ce qui fait que personne ne peut plus songer à s’y établir sous peine de mourir de soif. Tout fermier qui vient se fixer dans ses environs lui nuit de deux façons : d’abord il prend naturellement pour sa culture les meilleures