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la brèche aux buffles.

du court-house. Il en avait six. Billy d’abord, auquel, à cause de sa réputation, on avait jugé prudent de mettre des fers aux pieds et aux mains. Les cinq autres se trouvaient dans une situation particulière. Ils étaient impliqués dans une affaire de meurtre qui avait tellement émotionné la population, que les habitants de Lincoln avaient, à plusieurs reprises, manifesté l’intention de les lyncher. Ils avaient eu alors l’idée assez originale de se constituer prisonniers, pensant être ainsi plus en sûreté et comptant probablement déguerpir avant le jugement, quand leurs méfaits seraient un peu oubliés. Seulement Pat Garrett, qui se rendait très bien compte de la situation, craignait qu’une belle nuit un comité de vigilance ne vint lui enlever ses pensionnaires pour les pendre à l’arbre le plus voisin, et comme c’étaient eux, en définitive, qui avaient le plus à redouter cette éventualité, il avait eu l’idée fort ingénieuse de leur laisser leurs revolvers pour qu’ils pussent se défendre, le cas échéant. Comme, de plus, c’était un homme sage, n’aimant pas les frais inutiles, il les conduisait lui-même prendre leurs repas dans un hôtel du voisinage, de sorte que, deux fois par jour, les bons habitants de Lincoln jouissaient du spectacle assez insolite qui leur était offert par un geôlier, se promenant dans les rues, escorté de cinq prisonniers armés jusqu’aux dents. Il va sans dire que le pauvre Billy était moins favorisé : on lui apportait à manger.

Le 28 avril, Pat fut obligé de s’absenter. Avant de partir, il retint les services de deux amis, Robert Ollinger et William Bonny, et leur confia ses pensionnaires, en leur recommandant naturellement la plus grande vigilance.