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Page:Mangin, La force noire, Hachette, 1910.djvu/356

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et de l’administration directe, ou bien nous laisserions le pays dans une véritable anarchie.

Ce n’est pas tout de détruire l’édifice malsain et incommode, il faut le reconstruire. Les anciens soldats formeront les pierres d’angle et la charpente, et pour réunir tous les éléments de l’édifice, nous avons tout prêt le patriotisme, « le ciment social », suivant la belle expression de Gustave Lebon.

Est-ce là une idée nouvelle ?

Non : Herbert Spencer est certainement le philosophe qui a le plus profondément étudié l’organisation des sociétés humaines et leur développement dans l’histoire ; nul plus que lui n’est l’ennemi de la guerre moderne ; il méconnaît même la vertu éducatrice qu’elle possède à toutes les phases de la vie nationale par la trempe des caractères, la surexcitation des énergies et le développement de l’esprit de sacrifice ; il ne lui attribue qu’un rôle de régression, parce qu’elle tend à ramener les sociétés à forme industrielle vers la forme militaire. Mais, dans ses Principes de Sociologie, Spencer revient sans cesse sur l’influence civilisatrice de la guerre au début des sociétés c’est elle qui a forcé les hommes à se grouper pour l’attaque et pour la défense, à sortir de l’anarchie en se donnant des chefs militaires qui sont devenus des chefs politiques. « Lorsque aucune subordination n’existe, dit-il, la guerre l’inaugure. » Il remarque aussi la lenteur qui préside aux transformations sociales et l’impossibilité de les activer à coups de lois ou de décrets prématurés : « Vouloir imposer une organisation perfectionnée à des primitifs, dit-il, c’est chercher à entrer une main pourvue de ses cinq doigts dans un gant