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MANUEL D’ÉPICTÈTE.

XLI

c’est sottise que de prendre trop soin de son corps.


Signe de sottise, que de s’attarder aux soins du corps, comme de s’exercer longtemps, de manger longtemps, de boire longtemps, de donner beaucoup de temps aux autres nécessités corporelles. Toutes ces

    s’agit plus de compter lequel de nous deux a fourni plus que l’autre ; mais il faut bien se pénétrer de ceci, que celui de nous deux qui gérera le mieux le bien commun, fera l’apport le plus précieux. »

    « À ces mots, Socrate, ma femme me répondit : — En quoi pourrai-je t’aider ? De quoi suis-je capable ? Tout roule sur toi. Ma mère m’a dit que ma tâche est de me bien conduire. — Oui, par Jupiter ! lui dis-je, et mon père aussi me disait la même chose ; mais il est du devoir d’un homme et d’une femme qui se conduisent bien de faire en sorte que ce qu’ils ont prospère le mieux possible, et qu’il leur arrive en outre des biens nouveaux par des moyens honnêtes et justes. Le bien de la famille et de la maison exige des travaux au dehors et au dedans. Or la Divinité a d’avance approprié la nature de la femme pour les soins et les travaux de l’intérieur, et celle de l’homme pour les soins et les travaux du dehors. Froids, chaleurs, voyages, guerres, le corps de l’homme a été mis en état de tout supporter ; d’autre part, la Divinité a donné à la femme le penchant, la mission de nourrir les nouveaux-nés ; c’est aussi elle qui est chargée de veiller sur les provisions, tandis que l’homme est chargé de repousser ceux qui voudraient nuire.

    « Comme la nature d’aucun d’eux n’est parfaite en tous points, cela fait qu’ils ont besoin l’un de l’autre ; et leur union est d’autant plus utile que ce qui manque à l’un, l’autre peut le suppléer. Il faut donc, femme, qu’instruits des fonctions qui sont assignées à chacun de nous par la Divinité, nous nous efforcions de nous acquitter le mieux possible de celles qui incombent à l’un comme à l’autre.

    Il est toutefois, dis-je, une de tes fonctions qui peut-être t’agréera le moins : c’est que, si quelqu’un de les esclaves tombe malade, tu dois, par des soins dus à tous, veiller à sa guérison. — Par Jupiter ! dit ma femme, rien ne m’agréera davantage… — Mais le charme le plus doux sera lorsque, devenue plus parfaite que moi, tu m’auras fait ton serviteur ; quand, loin de craindre que l’âge, en arrivant, ne te fasse perdre de ta considération dans ton ménage, tu auras l’assurance qu’en vieillissant