IV
Comment on peut conserver sa dignité en toute chose. — Priscus Helvidius et Vespasien.
Pour l’être doué de la vie et de la raison, il n’y a d’impossible à supporter que ce qui est contre la raison, mais tout ce qui est conforme à la raison se peut supporter. Les coups par eux-mêmes ne sont point impossibles à supporter. — Comment cela ? — Vois comme les Lacédémoniens se laissent battre de verges, sachant que cela est conforme à la raison. La pendaison elle-même se peut supporter. Lorsque quelqu’un croit qu’elle est conforme à la raison, il s’en va et se pend. En un mot, si nous y faisons attention, nous trouverons que l’être doué de la vie ne souffre de rien tant que de ce qui n’est pas raisonnable ; et qu’en revanche il n’est attiré par rien autant que par ce qui est raisonnable.
Mais ce qui paraît raisonnable ou déraisonnable à l’un, ne le paraît pas à l’autre. Il en est de cela comme du bien et du mal, de l’utile et du nuisible. Et c’est pour ce motif surtout que nous avons besoin d’instruction pour apprendre à mettre d’accord avec la nature, dans chaque cas particulier, notre notion naturelle du raisonnable et du déraisonnable.
Or, pour juger de ce qui est conforme ou contraire à la raison, nous ne nous bornons pas à apprécier les objets extérieurs, nous tenons compte encore de notre dignité personnelle.
Aussi quand Florus demanda à Agrippinus s’il devait descendre sur la scène avec Néron pour y jouer un rôle lui aussi. « Descends-y, » fut la réponse. Et à cette question : « Pourquoi, toi, n’y descends-tu pas ? » « Parce que moi, » dit-il, « je ne me demande même pas si je dois le faire. » C’est qu’en effet celui qui s’abaisse à délibérer sur de pareilles choses et qui pèse les objets extérieurs avant de se décider, touche de bien près à ceux qui oublient leur dignité personnelle.
Que me demandes-tu en effet ? « Qui vaut le mieux de la