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EXTRAITS DES ENTRETIENS D’ÉPICTÈTE.

pas d’aller de préférence par une d’entre elles, mais par celle qui conduit où il va. C’est ainsi qu’il faut aller trouver Dieu, pour qu’il nous guide. Usons de lui comme nous usons de nos yeux : nous ne leur demandons pas de nous faire voir ceci plutôt que cela ; nous nous bornons à recevoir les représentations des choses qu’ils nous font voir. Ici, au contraire, nous nous emparons de l’augure en tremblant ; nous appelons Dieu à notre aide et nous lui disons avec prière : « Seigneur, aie pitié de moi ; accorde-moi de me tirer de là ! » Esclave, veux-tu donc autre chose que ce qu’il y a de mieux ? Et qu’y a-t-il de mieux que ce qui a été arrêté par Dieu ? Pourquoi donc, autant qu’il est en toi, corromps-tu ton juge, et séduis-tu ton conseiller ?

XXXII

De la nature du bien. — Ce qui fait l’infériorité de l’âne par rapport à nous. — Du Dieu que nous portons en nous. — La Minerve de Phidias. — L’homme remis par Dieu en garde à lui-même.

Le bien réside dans la raison. Pourquoi l’âne est-il né ? Pour commander ? Non ; mais parce que nous avions besoin d’un dos qui fût capable de nous porter. Nous avions aussi, par Jupiter ! besoin qu’il pût marcher ; en conséquence, il a reçu les moyens de marcher. Il s’en tient là du reste. Mais s’il avait reçu en plus la raison, il en résulterait évidemment qu’il ne nous obéirait plus, qu’il ne nous servirait plus comme il le fait, qu’il serait à notre niveau et pareil à nous.

Mais quoi ! les autres êtres ne sont-ils pas, eux aussi, des œuvres de Dieu ? Oui, mais ils ne sont pas nés pour commander, et ils ne sont pas des parties, de Dieu. Toi, tu es né pour commander ; tu es un fragment détaché de la divinité ; tu as en toi une partie de son être. Pourquoi donc méconnais-tu ta noble origine ? Ne sais-tu pas d’où tu es venu ? Ne consentiras-tu pas à te rappeler, quand tu es à table, qui tu es, toi qui es à table, et qui tu nourris en toi ? Lorsque tu causes avec quelqu’un, lorsque tu t’exerces, lorsque tu discutes, ne sais-tu pas que tu nourris en toi un Dieu ? C’est un Dieu que tu exerces ! Un Dieu que tu portes partout ; et tu n’en sais rien, malheureux ! Et crois-