sommes, les uns des bêtes sauvages de grande taille, les autres de ces petites bêtes malfaisantes, à propos desquelles on dit : « Au moins si c’était un lion qui me mangeât ! » Mais, avec les unes comme avec les autres, c’en est fait de notre rôle d’homme.
Toute qualité se fortifie et se conserve par les actes qui lui sont conformes, le talent du charpentier par de belles œuvres de charpentier, le talent du littérateur par de belles œuvres littéraires. Si vous vous habituez à écrire contrairement aux règles, tout votre talent se détruit et se perd infailliblement. De même l’honnêteté se conserve par des actes honnêtes, et des actes déshonnêtes la détruisent ; la loyauté se conserve par des actes loyaux, et des actes contraires la détruisent. Les défauts à leur tour se fortifient par des actes coupables.
C’est pour cela que les philosophes nous avertissent qu’il ne suffit pas d’apprendre la théorie, qu’il faut y joindre encore la méditation, puis la pratique. Aujourd’hui quel est celui de nous qui ne peut disserter avec art sur le bien et sur le mal ; montrer que les vertus sont bonnes, les vices mauvais, les autres choses indifférentes ? Mais si, au milieu de notre dissertation, il survient un bruit un peu fort, ou si quelqu’un des assistants se moque de nous, nous voici décontenancés ! Philosophe, où donc est ce que tu disais ? D’où le tirais-tu quand tu le disais ? Cela était sur tes lèvres, et rien de plus. Pourquoi te jouer de ce qu’il y a de plus respectable ?
Autre chose est de faire comme ceux qui serrent dans leur cellier du pain et du vin, ou de faire comme ceux qui s’en nourrissent. Ce dont on se nourrit se digère, se répand dans le corps, devient des muscles, de la chair, des os, du sang, le teint et la respiration de la santé. Ce que l’on a serré, on l’a sous sa main pour le pouvoir prendre et montrer ; mais on n’en tire d’autre profit que de faire voir qu’on l’a.
Quelle différence y a-t-il à exposer les idées que tu n’appliques pas, ou à exposer celles d’une autre école ? Assieds-toi et explique-nous le système d’Épicure. Peut-être nous l’expliqueras-tu plus habilement que lui-même. Pourquoi donc te prétendre stoïcien ?
Voilà comme n’étant déjà pas de force à remplir notre