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EXTRAITS DES ENTRETIENS D’ÉPICTÈTE.

LXI

De l’homme ordinaire et du philosophe.

La première différence entre l’homme ordinaire et le philosophe, c’est que celui-là dit hélas ! à cause de son enfant, à cause de son frère, à cause de son père ; tandis que l’autre, s’il est jamais forcé de le dire hélas ! ne le dit, après réflexion, qu’à cause de lui seul. Si donc nous en arrivons presque, nous aussi, à n’accuser que nous, quand la route devient difficile, et à nous dire que rien ne peut nous troubler et nous bouleverser que notre manière de voir, j’en jure par tous les Dieux, nous sommes en progrès. Mais tout autre est la route que nous avons prise en commençant. Dans notre enfance, lorsque, en regardant en l’air, nous nous heurtions contre une pierre, notre nourrice, au lieu de nous gronder, battait la pierre. Et qu’avait fait la pierre ? Devait-elle se déplacer à cause de l’étourderie d’un enfant ? De même, si nous ne trouvons pas à manger au retour du bain, jamais notre gouverneur ne réprime notre impatience ; au lieu de le faire, il bat le cuisinier. « homme ! (devrait-on lui dire) est-ce que c’est de lui, et non de notre enfant, que nous t’avons institué gouverneur ? C’est notre enfant qu’il faut redresser ; c’est à lui qu’il faut être utile. » Et voilà comme, plus grands, nous nous montrons encore enfants ! Car c’est être un enfant, en fait de musique, que de n’être pas musicien ; en fait de belles lettres, que d’être illettré ; et dans la vie, que de ne pas avoir appris à vivre.

LXII

On peut tirer profit de toutes les choses extérieures. — L’erreur et le mal. — La baguette de Mercure.

Quand il s’agit d’idées spéculatives, presque tout le monde laisse le bien et le mal en nous, au lieu de le mettre dans les choses extérieures. Personne ne dit que