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Page:Manuel d’Épictète, trad. Guyau, 1875.djvu/29

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XIX
SUR LA PHILOSOPHIE D’ÉPICTÈTE.

même s’il le faut[1]. Toutefois un autre sentiment, s’ajoutant au premier, le corrige et le tempère dans nos rapports avec les autres hommes : c’est l’amitié.

Aimer n’appartient qu’au sage (τοῦ φρονίμου ἐστὶ μόνου τὸ φιλεῖν). Car, « quand on se trompe sur quelqu’un, crois-tu qu’on l’aime réellement[2] ? » Or, celui qui ne sait où est le bien se trompera toujours sur les hommes comme il se trompe sur les choses, les appelant tour à tour bons ou mauvais, les aimant et les haïssant tour à tour. Tel un petit chien en caresse un autre, jusqu’à ce qu’un os vienne se mettre entre eux. Combien d’amitiés humaines ressemblent à ces amitiés bestiales, combien de gens ne se prennent que pour se quitter, εὐμεταπτώτως ἑλεῖν ! Ni la communauté d’origine, ni la parenté, ni le temps ne font l’amitié. Ceux-là seuls sont amis qui sont libres et placent le bien suprême dans leur commune liberté[3].

À vrai dire, c’est l’absence de haine et d’envie

  1. Sénèque, de Clément., II, 5, 2, et Epist., lxxiii : Sunt qui existimant philosophiæ fideliter deditos contumaces esse ac refractarios et contemptores magistratuum ac regum. — On sait les dures vérités que les philosophes stoïciens dirent plus d’une fois aux empereurs.
  2. Entretiens, II, xxii.
  3. Ib., II, xxii.