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XXXIV
ÉTUDE

vie, se met à la suite de Dieu, et, les yeux levés vers lui, marche en sûreté dans le monde. Sans cesse il a présente à l’esprit l’image de la Divinité ou au moins de quelque homme divin, comme Socrate ou Zénon : ce sont là des modèles qu’il s’efforce de reproduire. Dans les circonstances difficiles, il invoque Dieu, pour qu’il le soutienne. C’est que la Divinité stoïcienne n’a rien de commun avec les dieux païens, jaloux des hommes, et qui regrettent le bonheur dont les hommes jouissent. Elle n’a pas non plus d’« élus », pas de préférés : les hommes montent vers les dieux, et les dieux leur tendent la main : non sunt dii fastidiosi, a dit admirablement Sénèque, non sunt invidi ; admittunt, et ascendentibus manum porrigunt[1].

Comme le sage comprend et aime « l’intelligence très-bonne » qui a disposé toutes choses, il comprend et admire le monde même, œuvre visible de cette intelligence invisible. Et puisque tout est lié dans ce monde, puisque chaque chose « est dans un harmonieux concert avec l’ensemble,[2] » il approuve, il aime ce qui arrive : quæcumque fiunt, avait déjà dit Sénèque, debuisse fieri putet, nec velit objurgare Naturam ; decernuntur ista, non accidunt. Le sage va au-devant du destin, et s’offre

  1. Epist. ad Luc., 73.
  2. Marc-Aurèle, III, ii.