Page:Marais - La Maison Pascal.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenu la faveur de rester auprès d’elle : savourant son bonheur, il ne désirait pas s’avancer. Par une sorte d’instinct irraisonné, il prévoyait qu’un succès plus effectif ne vaudrait jamais cette sensation de douceur, cette jouissance sans tristesse, des prémices de l’Aventure. Et il prolongeait à dessein ces minutes exquises d’incertitude où — ignorant tout l’un de l’autre, leur nom, leur caste, leur race, leur vie et leur âme — deux êtres se joignent pour ces motifs très importants : le grain d’un épiderme, la teinte d’une chevelure, le pigment de deux iris, le charme d’un sourire — et l’instigation des lois naturelles…

Le silence persistant finissait par gêner la jeune femme. Elle se levait, un peu contrainte ; ne saluait point, allait s’éloigner… Camille, affolé à l’idée de l’avoir froissée involontairement, se précipita :

— Madame… Madame !

Elle se retourna, étonnée. Le jeune homme bafouilla, sans reprendre sa respiration :

— Vous devez me trouver grossier : je vous ai accostée en omettant de me présenter ;