Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/109

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Soudain, un faible appel — la chambre de Mme d’Hersac donnait sur le vestibule — rappela Laurence à son devoir. S’élançant dans la pièce voisine, elle en ressortit au bout d’un instant en disant à son frère :

— Tu peux venir, elle t’a entendu… elle a reconnu ta voix.

François se précipita. Warton et Bessie le suivirent ; mais ils restèrent discrètement sur le seuil de la chambre, tandis que le jeune homme s’avançait vers le lit maternel.

Douloureuse surprise pour François : alors que Laurence et Warton, avant suivi la maladie jour par jour, appréciaient l’amélioration survenus et diraient : « Elle est sauvée », lui qui avait quitté sa mère bien portante, éprouvait une impression de terreur à la revoir si faible, si pâle, avec ce je ne sais quoi de lointain, de surnaturel, d’au delà, qu’il avait déjà surpris sur le visage de certains camarades grièvement blessés.

Mon fils…

François se sentit défaillir de pitié devant la faiblesse de la pauvre créature qui lui souriait ineffablement. Le sourire des malades, chose émouvante et attendrissante dans sa grâce morbide : lèvres décolorées dont le rictus creuse dans les joues frêles deux rides qui encadrent la bouche et semblent mettre ce sourire débile entre parenthèses.

— Mon petit… tu pleures ?

Une larme tombait sur sa main que François baisait, d’une bouche tremblante.

— C’est de joie, maman : je suis si heureux d’être enfin près de toi !

Laurence, figée d’angoisse, analysait machinalement sa tristesse avec une espèce de stupeur : « Et moi qui m’étais représenté cette réunion comme une heure de bonheur intense… Ah ! la douleur s’infiltre en nous, tel le froid dans une maison : même après le retour des