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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/139

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Bessie lui dit doucement :

— Vous avez été très frappée, mais tant d’autres, en cette rude époque, subissent le même sort que vous… On arrive peu à peu à se consoler de tout. Vous referez votre vie…

Laurence hocha la tête, d’une manière incrédule.

Miss Arnott ajouta la phrase banale :

— Vous êtes jeune… vous vous marierez.

— Jamais !

Laurence l’avait interrompue avec une telle énergie, lançant cette dénégation d’une voix brève et coupante, que Bessie en demeura déconcertée. Aussitôt, la petite Américaine, saisie d’une curiosité bien féminine, pensa : Est-ce qu’elle aurait eu un amour contrarié ? »

Laurence reprenait sur un autre ton, avec une mélancolie résignée :

— Je n’ai plus que mon frère. C’est ma seule raison d’être, désormais. Ses lettres sont mon réconfort ; et j’aspire à l’époque où je le reverrai… Mon Dieu ! comme cela passe lentement, trois mois, quand on attend quelqu’un dont la vie est chaque jour en danger… Qu’il faut se maîtriser pour rester brave ! J’en ai la fièvre, une petite fièvre continue qui me brûle le sang… Et je dois me taire : c’est la meilleure façon d’endurer son mal.

Bessie, apitoyée et effrayée, s’écria :

— Oh ! ne vous taisez pas avec vos amis… laissez-vous soigner ! Tenez, je serai franche : je ne vous cache pas que vous avez une mauvaise mine. Voulez-vous tomber malade : songez combien cela peinerait votre frère ! Alors, écoutez-moi. Demain est dimanche. Vous allez en profiter pour aller avec moi à Neuilly : Jack vous examinera… promettez-moi de suivie ses prescriptions.