Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/153

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— Quand la dent fait mal, on l’arrache.

Elle éprouvait maintenant le désir de revoir Laurence ; une curiosité nouvelle l’incitait à chercher sur ce visage le secret de son triomphe. Une femme aimée à notre place nous semble toujours posséder le pouvoir d’un artifice mystérieux.

Lorsque miss Arnott arriva rue Vaneau, elle constata que Laurence ignorait encore le sort de son frère : sans doute, la lettre posthume de M. d’Hersac, confiée d’avance à un camarade, avait été envoyée au plus vite afin de précéder la fatale feuille ministérielle destinée aux parents.

Assise en face de Laurence, ne sachant comment entamer le pénible entretien, Bessie regardait intensément la jeune fille.

Elle comprenait à cette minute la raison de la séduction qu’avait subie Warton. L’Américaine intellectuelle découvrait le charme supérieur de l’âme latine. Laurence était une créature d’une autre race que Bessie ; plus attirante et moins volontaire ; plus subtile et moins équilibrée. Son caractère avait plus de douceur, de souplesse, de féminité, à défaut de résolution. Il y avait du rêve dans ses yeux et de l’harmonie dans ses gestes. La grâce, l’agilité du petit corps sportif de miss Arnott ne pouvaient se comparer aux mouvements délicats de Laurence lorsqu’elle courbait sa taille flexible comme sous le poids de son chagrin, avec cette langueur, cette faiblesse touchante et prenante. Toute la poésie de la vieille France s’incarnait en cette figure ravissante dont les traits sarasins racontaient l’invasion des Arabes et l’influence Orientale, alors que ses tresses annelées et ses grands yeux bleu évoquaient, dans les forêts de l’ancienne Gaule, les assemblées de jeunes druides aux longs cheveux : tout