Aller au contenu

Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Gardez.

Et le chauffeur, qui se retira en remerciant pour le pourboire, ne se doutait guère que derrière lui, la jeune fille, comptant avec inquiétude ce qui restait dans le porte-monnaie, constatait qu’elle possédait en tout trois cent cinquante francs…

Et la vie devait continuer… Les dépenses journalières… vingt-cinq francs chez le pharmacien, hier soir… l’argent des repas, les gages de la bonne, l’éclairage, le gaz, la blanchisseuse… Soudain impressionnée par la bassesse et les exigences de la vie courante, Laurence gémissait :

— Dire que je n’ai même pas la liberté de ne penser qu’à pleurer !

Comment allait-elle faire, d’ici quelque temps ? Elle ne pouvait continuer son service chez Litynski : cette ressource lui manquerait, au moment où les frais se multipliaient. Et, plus tard, il faudrait payer les visites du médecin qui venait tous les deux jours du Perray à Paris. Elle savait que son docteur était un de ces médecins désintéressés qui oublient d’envoyer leur note d’honoraires aux clients qu’ils savent dans la gêne… Mais raison de plus ! Et Laurence secouait orgueilleusement la tête. La fierté des d’Hersac allait compliquer encore les difficultés de sa situation : ne se fait pas gueux qui veut.

Soudain, Laurence s’aperçut qu’elle omettait, dans ses calculs, le chirurgien américain. Pourquoi ? Jack Warton était revenu une fois, depuis l’avant-veille, et promettait d’autres visites. Lui aussi se dérangeait exceptionnellement pour venir de Neuilly-sur-Marne. Pourquoi Laurence rougissait-elle à l’idée d’agiter les questions d’argent avec celui-là ?