Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/62

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— Je dis… Que je serais heureuse d’entendre les sirènes d’alarme, ce soir !

Teddy ajouta, avec embarras :

— Je vous demande seulement, miss Laurence, de laisser ignorer cela au colonel Warton… Pour lui, je serai allé simplement rejoindre mon corps. Il estime toujours que je tente de folles entreprises et ses remontrances me contrarient.

— Soyez assuré de ma discrétion.

À cet instant, la bonne frappa à la porte.

— Ah ! c’est l’heure de sa piqûre, murmura Laurence.

Son visage prit cette grave expression qui l’embrumait de tristesse lorsqu’elle parlait de sa mère. Elle se leva, Teddy, affectueusement, l’accompagna jusqu’à la chambre de la malade et resta, invisible, sur le seuil de la porte. Il regarda Laurence s’approcher du lit, s’agenouiller doucement et parler à la mourante comme on parle à un petit enfant. La jeune fille prenait sur la table de nuit une ampoule dont elle limait l’extrémité, puis aspirait le contenu à l’aide de la seringue. Avec des précautions douloureuses et tendres, elle pinçait la pauvre chair tuméfiée entre le pouce et l’index, saisissait, de l’autre main, la seringue et plantait l’aiguille sous la peau, d’un coup sec : le jet de liquide s’enfonçait, gonflant l’épiderme d’une cloque blanche…

— Là ! murmurait Laurence. Ma petite mère chérie va se sentir soulagée… tu verras… tu vas déjà mieux qu’hier.

Cette joie feinte avec laquelle on veut leurrer les malades est navrante. Teddy entendit