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tifications, les mornes campagnes encore plus mornes sous le ciel nocturne — Teddy médita l’allocution persuasive qui devait emporter le consentement de l’aviateur.

À B…, gare régulatrice, agglomération de troupes de tous genres, la présence du jeune Américain passa inaperçue parmi les autres Sammies, les Tommies, les chasseurs à pied et les zouaves qui fraternisaient bruyamment à la porte des estaminets ouverts à chaque coin de rue. Teddy se faufila dans l’ombre, cherchant son chemin. Son ami logeait dans une des bicoques pompeusement baptisées villas, voisines du champ d’aviation.

L’aviateur, qui avait le grade de sous-lieutenant, bénéficiait d’un pavillon — trois pièces exiguës — pour son usage exclusif. Teddy eut donc la chance de le trouver seul, fumant sa pipe en lisant les Bucoliques, dans le texte : c’était, comme nombre de ses camarades, un héros poète et lettré.

Lorsque le jeune Arnott l’eût mis au courant des circonstances qui déterminaient sa démarche, il répliqua sans objection :

— Ça tombe bien. Je dois conduire justement cette nuit un nouvel appareil au G. Q. G. et l’essayer au petit jour. Je vous prends comme passager.

Les deux amis, ayant convenu de leur projet, se rendirent à C… dans l’automobile de l’aviateur.

Teddy Arnott, subissant malgré lui l’influence démoralisante de l’obscurité, devint mélancolique dans cette nuit froide de septembre. Son attraction sentimentale vers Laurence d’Hersac l’identifiait à l’état d’esprit de la jeune fille et c’est avec une affliction fraternelle qu’il se disposait à accomplir sa mission téméraire.