Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/67

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Teddy s’analysa, étonné : « J’ai l’impression de faire une bêtise. Mon cœur est serré. Je joue mon bonheur : ma raison d’être, c’est ma famille, mes parents, Jack Warton… Et je vais compromettre l’avenir de ces sûres affections, risquer mon existence pour l’amitié d’une famille étrangère, inconnue hier et connue par hasard… Pourquoi obéis-je malgré moi-même à cette impulsion irrésistible ? »

Il conclut avec son fatalisme mystique : « Le hasard… Est-ce le hasard ? Ou plutôt une destinée qui m’attire par la force d’une volonté supérieure ? »

Cette explication trouvée, Teddy, rasséréné, se confia à l’expérience de son compagnon qui le fit monter dans l’appareil, lui indiqua la façon de se placer et termina l’opération en l’attachant solidement à l’aide de cordelettes de cuir enroulées au-dessous des bras. Ainsi garrotté, le petit Américain pensa plaisamment : « Au moins, en cas d’accident, je ne serai pas tenté de faire un faux mouvement. » Mais, de plus en plus, il avait l’impression d’être livré sans possibilité d’initiative personnelle à la dépendance de cette chose volante.

Il se questionna : « Ai-je peur ?… Non. Je crains seulement d’avoir le vertige. »

L’aviateur donna le signal. L’appareil s’ébranla. Teddy, la langue sèche, se dit avec appréhension : « Qu’est-ce que je vais éprouver ? »