Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/77

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départ de Teddy, elle avait profité du sommeil de son frère pour l’enfermer à clé dans sa chambre, s’emparer de ses vêtements et s’embarquer à sa place. Son stratagène avait été couronné de succès : très garçonnière d’allures, rompue à tous les exercices de corps, Bessie n’avait pas été devinée par ses camarades : plusieurs, qui connaissaient Teddy, étaient restés abusés par la ressemblance fraternelle. Seul, le chirurgien Warton, lorsqu’elle arriva en France, avait su reconnaître sa fiancée.

— Mais qu’a dit votre frère ? questionna François d’Hersac, stupéfait.

— Oh ! il aura accepté son involontaire complicité : je lui avais laissé une lettre explicative ; et il consent à tous mes désirs.

— Et votre fiancé…

— Jack ! Il a été tout d’abord furieux. Ensuite, que faire ? Il n’allait pas me trahir : il savait qu’il m’aurait fâchée à mort.

Et la petite Américaine conclut avec son sourire malicieux d’enfant gâtée :

— Nos hommes sont dressés à obéir à nos volontés… Alors, ils s’inclinent toujours devant le fait accompli. Jack s’est souvenu qu’il m’avait défiée : il ne faut jamais défier une Américaine.

Les deux jeunes gens, confondus, échangeaient un regard d’effarement. François, déçu par cette loyale explication, se répétait « Elle est fiancée et elle aime ce fiancé… Alors, que me veut-elle ? » Bessie, se méprenant sur leur silence, les rassura :

— Vous êtes embarrassés pour moi mais ne vous inquiétez pas… Je suis la nièce du colonel Blakeney qui commande à la division. Il vous suffit de me conduire à lui